Mon rhum est il « arrangé » ?

04 Oct 2016

Mon rhum est il « arrangé » ?

mardi 04 Oct 2016

Longtemps cantonné aux rhums des DOM TOM, le marché français connait une véritable explosion depuis quelques années, porté par des rhums d’origine espagnole ou anglaise plus sucrés et parfumés. Mais ces notes flatteuses de vanille, caramel ou fruits tropicaux et qui font le succès de ces nouveaux rhums sont-elles toujours naturelles ? Proviennent-elles réellement du vieillissement ou sont-elles le résultat d’une aromatisation ? L’étiquetage ne donne malheureusement pas toujours le bon renseignement : c’est que révèle une enquête de la DGCCRF. L’Explorateur du Goût décrypte les résultats de cette enquête, et vous propose quelques conseils pour orienter vos clients…

Une enquête diligentée sur 98 établissements

Dans le cadre de ses missions de protection du consommateur, la DGCCRF a contrôlé le marché de certaines boissons spiritueuses au courant de l’année 2016. L’enquête visait d’une part à rechercher la présence de substances indésirables susceptibles de porter atteinte à sa santé des consommateurs. D’autre part la DGCCRF a cherché à vérifier la loyauté des informations qui étaient fournies au consommateur au niveau de l’étiquetage. L’organisme public a également relevé plusieurs cas d’aromatisation illicite.

4 rhums analysés sur 10 déclarés non conformes en raison de leur aromatisation

L’enquête a été menée sur différentes familles de produits commercialisés sous les dénominations « rhum », « whisky » et « brandy ». La DGCCRF indique que les enquêteurs ont contrôlé 98 établissements et procédé à 59 prélèvements, dont 32 % ont été déclarés « non conformes » par les laboratoires.

« La distinction entre les liqueurs dont le goût est directement issu de l’aromate (par exemple la vanille) et celles produites à l’aide de substances aromatisantes naturelles (par exemple la vanilline, issue du goudron de hêtre) manque de clarté sur les étiquetages » précise l’organisme.

Et justement, quatre des dix rhums analysés ont été déclarés « non conformes » en raison de leur aromatisation, notamment par de la vanilline, et qui ne figurait pas sur l’étiquetage. Cette problématique, tout comme celle de l’édulcoration, concerne principalement les rhums importés de pays tiers.

La pratique consistant à utiliser des bonificateurs (copeaux de bois et arômes) – donnant l’apparence du vieillissement – est aussi particulièrement surveillée par les agents de la DGCCRF.

Comment orienter vos clients ?

A défaut d’avoir une information complète sur l’étiquette, comment orienter vos clients dans leur sélection ? La réponse est simple : le goût ! L’aromatisation, même lorsqu’il s’agit d’arômes naturels, se traduit le plus souvent par une sensation immédiate et flatteuse au nez et en bouche, mais qui ne dure pas. Qu’il s’agisse de notes de banane, fruits tropicaux ou vanille, on peut parfois avoir l’impression d’un côté « bonbon ». C’est d’ailleurs ce qui peut, au départ, séduire les clients.

Lorsque ces notes proviennent non pas d’arômes mais d’un processus naturel, elles sont beaucoup plus fondues, et généralement avec plus de longueur. On est sur une sensation plus subtile en bouche, et une progressivité dans l’expression des arômes, notamment sur les plus vieux rhums.

Quelles solutions pour plus de transparence ?

Alors quelles solutions mettre en oeuvre pour que le consommateur y retrouve son latin ?

La France, avec les AOC rhums agricole notamment en Martinique et en Guadeloupe, est plutôt en avance avec des règles claires : délimitation des terroirs d’appellation, limitation des rendements, modes d’extraction du jus et type de distillation … régulièrement l’objet de débat ces règles ont néanmoins apporté un cadre clair aux opérateurs. Et offre au consommateur une lisibilité sur les produits, notamment au travers des dénominations « rhum blanc », « élevé sous bois » ou « rhum vieux ».

Il faut saluer également l’initiative de la Maison Velier, qui avec sa collection Habitation Velier joue la transparence totale : Luca Gargano son fondateur a créé une appellation « Pure Single Rum » avec une sélection de rhums d’une seule distillerie, embouteillés au degré, et bien sûr sans sucre ajouté. L’étiquette va jusqu’à mentionner la contenance en esters ou congénères.

Notre conviction : c’est le consommateur qui a la clef

Notre conviction, chez L’Explorateur du Goût, c’est que le consommateur, surtout en France, finit toujours par trouver sa voie. Et s’il s’oriente aujourd’hui vers les vins naturels et bio, vers les bières artisanales, il suit le même chemin sur les spiritueux, à la recherche de produits authentiques et naturels.

Ne nous y trompons pas : il existe bien un marché de produits « industriels » élaborés à partir d’alcool, de sucre et d’arômes. Mais c’est plutôt le lot des supermarchés. Pour le goût, le vrai, nous nous préférons faire confiance aux cavistes !

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